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Dyaryo artikulo

Où est la menace?

Petsa

2007-08-18

May-akda

Victor Piché

Buod

Pourquoi la population québécoise a peur de l'immigration?

Headline

La Presse

Page numbers

A25

Lugar ng publikasyon

Montréal

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Il est étonnant à quel point une vieille notion abandonnée dans les années 80 au Québec peut refaire surface dans le débat public et reprendre une certaine légitimité politique.

En effet, à la fin des années 80, le ministère de l’Immigration du Québec avait tenté de justifier les niveaux souhaités d’immigration sur la base justement de la notion de capacité d’accueil, laquelle capacité devait être déterminée « scientifiquement » par des modèles démo-économiques mesurant l’impact de l’immigration. Cette tentative a rapidement été abandonnée puisque les modèles en question étaient incapables de définir des seuils au-delà desquels l’impact de l’immigration devenait négatif. Bref, cette notion n’a aucune assise scientifique et il serait démagogique de la déterrer pour définir la politique d’immigration.

En fait, sur les plans économique et démographique, les besoins sont tels que les niveaux d’immigration pourraient être beaucoup plus élevés qu’ils ne le sont présentement. Alors que ce diagnostic semble faire consensus présentement au Québec, la question « Y a-t-il assez d’immigrants au Québec ? » ou plutôt « Y a-t-il trop d’immigrants au Québec ? » est de plus en plus posée dans le débat public. Pourtant, avec 10% de la population née à l’étranger, on ne peut pas dire que le Québec reçoit beaucoup d’immigrants et d’immigrantes si on le compare au Canada dans son ensemble (18%) ou à l’Ontario (27%). La question des niveaux d’immigration est donc éminemment « relative » et déborde l’aspect purement démographique et économique.

En effet, la plupart des réticences manifestes en matière d’immigration font référence à la menace culturelle. Cet argument pourrait avoir du poids si on arrivait à mesurer de façon tangible et univoque ce que l’on entend par une telle menace. Le premier défi serait de définir ce que recouvre le concept de culture : s’agit-il de la dimension littéraire, musicale, linguistique, pour ne mentionner que ces trois aspects ? En fait, sur les plans littéraire et musical, on pourrait affirmer que l’immigration a enrichi ces deux dimensions de la culture québécoise. Reste la dimension linguistique : pourtant, les indicateurs linguistiques sont loin d’être préoccupants. Par exemple, en 2001, 76% de la population immigrante déclare connaître le français et 70% déclare travailler soit en français, soit dans plus d’une langue. Si menace culturelle il y a, ce n’est pas du côté de l’immigration qu’il faut chercher mais plutôt du côté de la mondialisation de la culture anglophone, qui inonde les marchés culturels. Comment expliquer par exemple que bon nombre de nos artistes n’arrivent pas à remplir le Centre Bell alors que Justin Timberlake réussit à le faire, et trois fois plutôt qu’une ?

Reste le plan des valeurs. D’abord, il n’existe pas au Québec un seul système de valeurs mais une pluralité de valeurs qui n’a rien à voir avec la dichotomie immigrant/natif. On peut espérer que la commission Bouchard-Taylor arrive à définir des valeurs communes, ce qui serait hautement souhaitable. Mais, il faut se rendre à l’évidence que le pluralisme est maintenant une donnée de base de la société québécoise et que même en fermant les portes à l’immigration - ce qui serait suicidaire socialement - il est là pour demeurer. La solution que le Canada et le Québec ont choisie - judicieusement à mon avis - pour y faire face a été l’adoption des chartres des droits et libertés. Ce faisant, la résolution des conflits liés aux droits est ainsi remise entre les mains du système juridique. Il ne faut donc pas confondre les accommodements raisonnables, qui relèvent du domaine juridique, des autres formes d’accommodements consenties soit dans la sphère publique (par exemple, les écoles) ou la sphère privée (YMCA, cabanes à sucre, etc.). En ce qui concerne les écoles, par exemple, l’adaptation des méthodes pédagogiques à la nouvelle clientèle issue de l’immigration est une forme d’accommodement fort ancienne que peu de personnes remettent en question.

Dissiper la crainte

Il est donc important de re-situer le débat sur l’immigration sur certains faits et dissiper la crainte ou la peur qu’elle semble susciter. D’abord, c’est à Montréal que se joue l’avenir de l’immigration et non dans les régions. Plusieurs voix hors-Montréal se font entendre actuellement sur les problèmes d’intégration au Québec alors que dans ces régions le nombre d’immigrants est insignifiant, voire égal à zéro comme à Hérouxville. C’est là où l’immigration est quasi inexistante que les réticences sont les plus grandes : certes, tout le monde a droit à son opinion, mais il faudrait quand même que cette opinion soit basée sur autre chose que des peurs souvent nourries par des préjugés non fondés. Que ce soit dans les régions ou ailleurs, il serait dangereux de fonder les politiques sur la crainte et la peur. L’avenir du Québec passe par l’immigration : il faut sortir de la vielle rengaine nataliste. Le Québec est à plus de 80% d’origine ethnique française (plus de 90% dans les régions) ; il est également à 90% de religions chrétiennes (près de 100% dans les régions). Où est la menace ?

En terminant, j’aimerais revenir sur le terme « capacité d’accueil » en faisant référence à ce qui semble un paradoxe. En effet, comment concilier les pénuries de main-d’oeuvre et des taux de chômage élevés dans certains groupes de la population immigrante, notamment les jeunes noirs et arabes ? L’explication se trouve dans les nombreuses recherches scientifiques effectuées au Québec depuis au moins 10 ans qui indiquent clairement les nombreux obstacles d’accès à l’emploi liés au racisme et à la discrimination. Les problèmes d’intégration soulevés dans les médias font souvent référence à la non volonté des immigrants à s’intégrer, mais rarement à leurs difficultés de le faire. Dans ce sens, ce n’est pas la capacité d’accueil du Québec qui est en jeu mais bien sa volonté d’accueil.

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