2009-04-01
Émilie Russo
Les immigrants au Québec rencontrent de multiples difficultés lorsque vient le temps de trouver un emploi, même lorsqu'ils sont hautement qualifiés. La reconnaissance des diplôme n'est pas assez controlée par le gouvernement et est souvent laissée aux employeurs ou aux ordres.
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Montréal
C’est l’histoire du chauffeur de taxi qui était ingénieur avant d’arriver au Québec. C’est aussi celle du médecin étranger, que l’on n’a pas accepté en résidence dans un hôpital, même s’il avait réussi les examens.
L’intégration des nouveaux arrivants sur le marché du travail reste un enjeu majeur au Québec. La question a fait l’objet d’une table ronde le 23 mars dernier, organisée par l’association du NPD-Outremont à la bibliothèque interculturelle de Côte-des-Neiges.
Marie-Thérèse Chicha, professeure titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, a remarqué que la proportion des immigrants qui détiennent un diplôme universitaire est deux fois plus grande que celle de la population non immigrante du Québec.
Pourtant, une grande partie des immigrés occupent des emplois non qualifiés. Cette déqualification aurait même un visage : celui d’une femme, originaire du Moyen-Orient ou d’Afrique, en particulier du Maghreb.
« Les femmes immigrantes de minorité visible sont très touchées. Leur revenu moyen représente la moitié de celui des hommes nés ici et qui ne sont pas de minorités visibles », rapporte Mme Chicha.
Entre 2002 et 2010, 209 000 immigrants ont été accueillis dans la province. De ce total, 60 % ont été admis sur la base de critères économiques, par exemple s’ils détiennent un diplôme universitaire.
« Lors de la sélection, on met l’accent sur le bagage de compétences. Mais une fois que les nouveaux arrivants s’installent chez nous, leur formation est dévalorisée, même sous-estimée », déplore Mme Chicha.
Pour travailler dans un domaine spécialisé, l’immigrant doit faire reconnaître les diplômes obtenus à l’étranger. Il peut solliciter une évaluation comparative des études auprès du ministère de l’Immigration du Québec, afin de déterminer à quoi correspond sa formation dans notre système.
Toutefois, cette évaluation ne fait pas la reconnaissance des acquis d'une personne, comme il est mentionné sur le site Internet du ministère.
Le gouvernement laisse donc aux institutions d’enseignement, aux ordres professionnels et aux autres organismes qui gèrent les métiers et les professions de reconnaître la valeur des connaissances et des compétences du nouvel arrivant.
Pour les carrières qui sont régies par un ordre professionnel, le chemin est long avant d’obtenir le permis d’exercer, surtout dans le domaine de la santé.
Dans le cas d’un emploi qui ne nécessite pas de permis d’exercice, l’employeur reste le seul juge.
« Finalement, cette évaluation comparative n’est pas tellement utile, puisque les employeurs qui voudraient savoir à quoi correspond ce diplôme ont peu d’information», objecte Mme Chicha.
L’œuf ou la poule?
À leur arrivée, les services offerts aux immigrants visent surtout l’amélioration de leur employabilité. Ils apprennent comment présenter un CV, passer une entrevue ou faire une recherche d’emploi. Par la suite, peu de ressources existent pour les aider à décrocher le premier boulot.
« On pense qu’une fois qu’ils sauront comment faire un CV, ils seront sur un pied d’égalité avec les non-immigrants, mais ce n’est pas le cas. Les employeurs ont peu d’incitatifs à employer des immigrants, sans compter que plusieurs ont énormément de préjugés envers eux », pense Mme Chicha.
Il faudrait alors prêcher par l’exemple, selon Moussa Guene, coordonnateur du programme de régionalisation pour l’organisme PROMIS. Les deux paliers de gouvernement devraient embaucher davantage d’immigrants, avant de lancer la balle aux entreprises. « Et ça devrait se faire dans toutes les sphères d’emplois.
J’ai un ami qui dit que nous avons une télévision en couleur, mais moi je dis qu’il faut y mettre plus de couleurs! »
Pour Mme Chicha, cette inclusion des immigrants passe par la volonté politique. Le gouvernement devrait rendre obligatoires les programmes d’équité en matière d’emploi. « Sans obliger les entreprises à engager des immigrants, nous n’avancerons pas ».
Des initiatives communautaires
Plusieurs organismes communautaires développent des projets afin de faciliter le passage des immigrants vers le marché de l’emploi.
La CDEC Côte-des-Neiges/NotreDame-de-Grâce a déjà piloté durant l’année 1998-1999 un projet de stage en entreprise pour les nouveaux arrivants.
Les entreprises pouvaient prendre en charge des stagiaires non rémunérés pendant quelques semaines.
Pour Claude Lauzon, le directeur général de la CDEC, ce projet visait à casser le cercle vicieux du manque d’expérience qui empêche l’immigrant de décrocher son premier emploi.
Chaque année, la CDEC CDN/NDG accueille de nouveaux projets du même genre par le biais d’un fond d’Emploi Québec, le Budget d’initiative locale.
Cette enveloppe n’est disponible qu’à Montréal. Les deux tiers des participants sont des immigrants, selon M. Lauzon.
À l’extérieur de la ville, il y a aussi de l’espoir, selon M. Guene. Le projet de régionalisation du PROMIS incite les nouveaux arrivants à découvrir les régions en organisant des activités.
« La main-d'œuvre spécialisée se fait rare en région. Ce n’est pas comme à Montréal, où tout le monde cherche en même temps. Tous les petits patelins du Québec qui sont en manque de main d'œuvre m’appellent pour avoir des travailleurs immigrants!»
Comme quoi, il faut parfois ouvrir ses horizons pour trouver ce que l’on cherche.
Déqualification, emploi, femmes
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