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Article de quotidien

Des immigrants à la défense de leurs cours de français

Date

2004-04-19

Auteurs

Geneviève Otis-Dionne

Titre du journal

Le Devoir

Lieu de publication

Montreal

Texte complet

Des centaines de personnes ont manifesté hier devant le bureau du premier ministre Jean Charest, à Montréal, pour clamer leur mécontentement devant les compressions annoncées récemment par le gouvernement dans l'enveloppe du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration (MRCI). Les manifestants estiment que la réduction du budget d'aide à l'apprentissage du français diminue de façon importante leurs chances de s'intégrer rapidement dans la société québécoise et de trouver du travail.

Le MRCI a en effet annoncé, au début du mois d'avril, que l'allocation de 150 $ par semaine versée aux immigrants qui étudient le français à temps complet serait remplacée par une allocation de 30 $ par semaine, à compter du 3 mai prochain. L'aide forfaitaire de 4 $ par jour destinée aux étudiants à temps partiel est aussi abolie. Le ministère va également cesser de rembourser le coût du transport en commun des étudiants. Ces mesures s'inscrivent dans la foulée de la compression de 21 % (24 millions de dollars) de l'enveloppe allouée à l'immigration et qui a été annoncée dans le dernier budget.

La manifestation d'hier, organisée par la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) et 140 organismes travaillant à l'accueil et à l'intégration des immigrants avait pour objectif «de rappeler au gouvernement ses responsabilités envers ceux et celles qui résidaient à l'extérieur du pays et qui veulent aujourd'hui participer à notre société. Un moyen pour s'intégrer au peuple québécois, c'est d'apprendre la langue publique du Québec, qui est le français», a déclaré dans son discours le président de la SSJB, Jean Dorion.

Selon le directeur général de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées ou immigrantes (TCRI), les compressions annoncées vont avoir comme conséquence de diminuer le taux de francophones parmi les immigrants et d'amoindrir ainsi leurs chances de trouver un travail où le français est privilégié. Le directeur du TCRI, qui regroupe 135 organismes de toutes les régions du Québec, a également déploré devant les manifestants que, de tous les ministères, ce soit le MRCI qui subisse, proportionnellement, les pires compressions dans le budget Séguin.

Selon Jean Dorion, réduire ce budget «c'est aller à contre-courant de l'histoire du Québec. Le Québec a besoin d'une langue commune qui fera de nous un seul peuple, avec moins d'exclusion et plus d'intégration. Couper dans la francisation, c'est diviser. Franciser, c'est unir».

Le discours de M. Dorion a été chaudement applaudi par les manifestants, qui ont été relativement nombreux à répondre à l'appel des organisateurs. M. Dorion était même étonné de voir autant de gens se mobiliser pour la cause qu'il a décidé de défendre. La foule, constituée de gens de tous les milieux, brandissait de nombreuses pancartes, et plusieurs personnes avaient à la main un drapeau du Québec. On pouvait lire sur les pancartes «Pour l'intégration, oui à la francisation», ou encore «I choose french et Québec» [J'ai choisi le français et le Québec]. Une dame espagnole tenait une pancarte où il était inscrit «Quiero apprendre Francés» [Je veux apprendre le français].

Diminuer les listes d'attente

La ministre responsable du MRCI, Michelle Courchesne, soutient de son côté que la majorité des fonds dégagés, soit plus de 6,4 millions, sera utilisée pour réduire les listes d'attente pour les cours de français, qui sont actuellement de cinq à sept mois. L'objectif de la ministre est de ramener les délais à un maximum de trois mois dans la région de Montréal et de les résorber entièrement ailleurs au Québec.

Mme Courchesne souhaite aussi que son plan d'action mise davantage sur l'intégration à l'emploi. Elle avait déclaré au Devoir, lors de l'annonce des compressions, que la diminution des allocations n'allait pas influer réellement sur la participation des immigrants aux cours de français. «D'après nos études, les gens qui sont très motivés, qui veulent trouver de l'emploi, qui veulent s'intégrer, ce n'est pas un problème, ils l'apprennent le français. On avait des cas de gens qui étaient plus ou moins désireux d'apprendre le français, mais qui voulaient la prestation.»

Mais selon Élisabeth Dembil, porte-parole de la Table de concertation des organismes en francisation, regroupant 40 organismes, la diminution des allocations va provoquer une désaffection massive des étudiants dès le 3 mai, soit vers l'aide sociale, soit vers l'apprentissage de l'anglais. Elle a aussi affirmé que l'impact des compressions se faisait déjà sentir dans les cours de français.

Un autre porte-parole de cet organisme, Mustapha Kachani, s'est demandé «si le gouvernement, avec ces compressions, ne relègue pas les immigrants dans la dépendance de l'État plutôt que de leur offrir un milieu de vie qui leur facilite l'intégration». Il a souligné que, sans le français, il n'y avait pas d'intégration véritable. «Ce n'est pas l'intégration au marché du travail qui permettra la francisation, comme l'affirme le gouvernement, mais bien la francisation qui permettra l'intégration au marché du travail.»

Le président de la SSJB estime «qu'il n'est pas facile de trouver du travail au Québec quand on ne parle pas le français». D'après lui, «le Québec est une société de langue française, mais aussi une société fraternelle et conviviale qui favorise l'intégration. Et un moyen pour favoriser l'intégration, c'est partager une langue commune, et les Québécois ont choisi de parler le français». M. Dorion prévient le gouvernement Charest que les pressions vont continuer jusqu'à l'annonce de l'annulation des compressions.

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Mots-clés

immigration, francisation, coupure, intégration

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