- Fecha
2008-01-01
- Autores
Amélie Tendland
- Titular
Alternatives
- Page numbers
5
- Lugar de publicación
Montréal
- Texto completo
Pendant deux ans, le cinéaste Charles Latour a suivi le combat de la syndicaliste Patricia Pérez qui s’est battue pour aider, informer et syndiquer les travailleurs saisonniers latino-américains travaillant dans les fermes du Québec. Il en est revenu avec un documentaire bouleversant, Los Mexicanos - Le combat de Patricia Pérez. Un hommage posthume, en quelque sorte, puisque Mme Perez est décédée en septembre dernier.
Bon an mal an, des milliers de travailleurs saisonniers latino-américains viennent travailler dans les fermes du Québec. En 2006, ils étaient plus de 4000 en provenance du Mexique, du Guatemala et des Antilles à travailler dans les champs de la province, au salaire minimum, sept jours sur sept, en moyenne 70 heures par semaine. Faut-il ajouter que la plupart du temps, personne ne se soucie de payer les heures supplémentaires ?
À cela, s’ajoute les conditions de vie de ces travailleurs. Présenté lors des dernières Rencontres internationales du documentaire de Montréal, Los Mexicanos -Le combat de Patricia Pérez nous offre une petite visite dans leurs logements, souvent insalubres, dont les planchers sont pourris, les toits coulent, où des pesticides traînent dans la cuisine.
Suivant la lutte de Patricia Pérez, représentante du syndicat des travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC), le documentaire nous présente également les rencontres en pleine nuit, en catimini, entre la syndicaliste et les travailleurs mexicains des fermes du Québec, à Saint-Rémi notamment.
De rencontre en rencontre, Patricia Pérez va finir par convaincre certains travailleurs de se syndiquer. Le documentaire suit le combat, jusqu’à la demande d’accréditation syndicale.
« Le documentaire s’est tourné pendant deux ans. C’est tout le processus qui s’est cristallisé aux cours de ces deux années. Au début, Mme Pérez ne savait pas trop où elle allait, elle a développé le processus quasiment toute seule, puis l’aide a fini par venir », explique le cinéaste.
Totale vulnérabilité
Méconnaissance des lois, des droits des travailleurs au Canada, barrière linguistique, Charles Latour insiste sur un point : la vulnérabilité de ces travailleurs étrangers. « Selon moi, il s’agit du problème majeur. Le fermier pour lequel ils travaillent possède en quelque sorte un droit de vie ou de mort sur eux », explique-t-il. Le travailleur mexicain peut en tout temps être renvoyé chez lui ou encore ne pas être réembauché l’année suivante. Souvent, ces papiers et son passeport lui sont confisqués à son arrivée au pays.
Le programme qui s’occupe de ces travailleurs, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers du Canada (PTAS), prévoit la renégociation des contrats chaque année et ceux-ci ne sont valides que pour une ferme en particulier, explique le cinéaste. Or, déplore-t-il, ces contrats sont négociés entre le gouvernement du Canada, celui du Mexique et la Fondation des entreprises en recrutement de main-d’œuvre agricole étrangère (FERME). « Ne manque-t-il pas quelqu’un à la table de négociation ? », se demande Charles Latour.
Aux États-Unis, un grand nombre de travailleurs saisonniers sont illégaux. Toutefois, pour le cinéaste, les contrats canadiens, « qui passent aux yeux de la majorité comme un programme modèle, constituent en vérité une façade... Pour mieux s’asseoir sur ses lauriers ensuite. »
Charles Latour admet toutefois que certains travailleurs saisonniers étrangers sont bien traités au Québec. « Il existe une grande différence entre les immenses fermes où l’on emploie 150 travailleurs et les petites où il n’y en a que quelques-uns. Certains fermiers les traitent très bien, certains leur donnent plus que le salaire minimum, mais c’est une minorité. »
Voilà pourquoi, selon lui, la syndicalisation de ces travailleurs mexicains, qui constituent près de 50 % des employés dans le secteur de l’horticulture, constitue la meilleure et la seule solution possible.
Un combat loin d’être gagné
Pourtant, le combat est loin d’être gagné. En effet, quelques jours avant la mort de Patricia Pérez, emportée par le cancer en septembre dernier, la Commission des relations de travail du Québec refusait à 150 travailleurs agricoles mexicains le droit de se syndiquer, en se basant sur l’article 21 du Code du travail.
L’article 21 du Code du travail stipule que « les personnes employées à l’exploitation d’une ferme ne sont pas réputées être des salariés aux fins de la présente section, à moins qu’elles n’y soient ordinairement et continuellement employées au nombre minimal de trois ».
« La commission a littéralement interprété la loi sans tenir compte du contexte. Cet article a été débattu en chambre dans les années 60, explique Charles Latour. Dans les années 60, on définissait les employés saisonniers comme des salariés qui travaillaient entre deux et sept semaines par année. Or, les travailleurs mexicains des années 2000 travaillent dans nos champs entre quatre et huit mois par an. »
En octobre, le syndicat des travailleurs unis de l’alimentation et du commerce a porté la cause en appel devant la Cour supérieure du Québec. De l’avis du syndicat, si la commission a bien interprété le Code du travail, alors il faudrait carrément le changer. Il n’existe aucune raison pour que les travailleurs saisonniers des serres, des stations de ski ou des parcs d’attractions comme la Ronde puissent se syndiquer et pas ceux des fermes, dit en somme le syndicat.
Charles Latour n’en reste pas moins optimiste et croit que le combat de Patricia Pérez débouchera un jour sur la victoire. Et s’il admet que le problème de la compétitivité du secteur agricole québécois avec les États-Unis est bien réel, il croit toutefois que la question constitue d’abord un problème de société.
Outre le fait que les conditions de travail des employés saisonniers étrangers pourraient finir par tirer vers le bas celles des travailleurs en général au Canada, le cinéaste se pose surtout cette question incontournable : « A-t-on envie que des travailleurs saisonniers du Mexique soient exploités dans la cour arrière du Québec ? »
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