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2012-05-09
Eugénie Depatie-Pelletier
Comment certaines lois du gouvernement fédéral violent les droits fondamentaux des travailleurs migrants temporaires. Notamment, la nouvelle loi voulant que ceux occupant un poste spécialisé pourront être payés 15% de moins que les Canadiens et la loi faisant en sorte qu'ils ne peuvent changer d'employeur et qu'ils doivent résider chez l'employeur.
La Presse
Les travailleurs étrangers temporaires, déjà dans l'incapacité de faire respecter leur contrat de travail à cause de restrictions administratives de leurs libertés fondamentales, se verront désormais imposer une nouvelle mesure discriminatoire.
En effet, selon la directive administrative mise en ligne le 25 avril 2012 par Ressources humaines et Développement des compétences Canada, les travailleurs étrangers temporaires au Canada occupant des postes «spécialisés» pourront se voir appliquer une échelle salariale jusqu'à 15% plus basse que celle appliquée aux autres travailleurs de la région exerçant le même type d'emploi. Différents observateurs reconnaissent que cette mesure fédérale assurera ultimement une pression à la baisse généralisée sur les salaires au Canada. Contrairement aux autres gouvernements provinciaux, Québec a cependant le pouvoir de refuser de valider les offres d'emploi autorisées par le fédéral. Aussi, cette mesure administrative n'a pas (encore?) été intégrée à la réglementation québécoise par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec.
Cette nouvelle mesure fédérale conservatrice sera inévitablement contestée tôt ou tard devant les tribunaux pour non-respect de la Constitution du Canada. Cette mesure constitue, de fait, un cas explicite de violation gouvernementale du droit des groupes historiquement défavorisés, ici les travailleurs immigrants, à ne pas être discriminés.
Tel que le rappelle le président du Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatial, des transports et des autres travailleurs et travailleuses du Canada, le Canada a une histoire sombre en ce qui a trait à l'admission de travailleurs étrangers pour effectuer, à des conditions de travail inhumaines et discriminatoires, les travaux les plus exigeants sinon dangereux physiquement et psychologiquement. Aucun gouvernement, peu importe l'affiliation politique, ne devrait tenter de revenir en arrière à cet égard.
Interdiction de changer d'employeur et accès à la justice
La possibilité de payer 15% de moins les travailleurs étrangers temporaires en emploi « spécialisé » s'ajoute, pour environ la moitié d'entre eux, à une interdiction de changer d'employeur au Canada. Autrement dit, ils risquent de perdre le droit de travailler au Canada en cas de congédiement par l'employeur. La peur de perdre le droit de travailler a été abondamment associée, notamment dans un récent dossier de La Presse, à une acceptation silencieuse des abus de droits de l'homme humains et de droits du travail par les travailleurs étrangers temporaires - tant en emploi « spécialisé » que « peu spécialisé ».
De plus, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec a récemment conclu que, outre le permis de travail canadien valide auprès d'un seul employeur, l'obligation de résidence chez l'employeur entrave de façon substantielle l'exercice du droit à des conditions de travail respectant la santé et l'intégrité physique et mentale. Plus précisément, l'accès à la justice repose sur un système de plaintes trop risqué pour les travailleurs étrangers temporaires liés à un seul employeur.
Dans le contexte où le gouvernement fédéral ne se limite plus à imposer des obstacles administratifs à la liberté de changer d'employeur et à l'exercice des droits fondamentaux et où la Commission a reconnu que le gouvernement du Québec viole de façon systémique les droits de l'homme de travailleurs migrants, sont en train d'apparaître, entre autres au Québec, de nouveaux modes de communication et dialogues au sein de la société civile.
En particulier, de nouvelles coalitions se créent, non seulement entre les associations de travailleurs migrants politisées à cet égard et autres groupes de défense des droits de l'homme des travailleurs migrants, mais aussi avec un nombre croissant de syndicats de travailleurs et d'organisations de défense de droits de travailleurs non syndiqués tels que les travailleurs agricoles et les travailleuses domestiques.
Ce type de rapprochement permettra la transmission de l'information vers la population en ce qui a trait aux violations de droits et aux pressions à la baisse sur les conditions de travail associées à la structure actuelle de certains programmes de travail temporaire au Canada.
Cependant, un recours aux tribunaux sera probablement nécessaire pour forcer les gouvernements à respecter les droits de la personne des travailleurs étrangers temporaires protégés par la Charte canadienne et, au Québec, par la Charte québécoise.
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