- Date
2013-10-22
- Authors
Commission des lésions professionnelles
- Court name
Commission des Lésions Professionnelles
- Reporter
2013 QCCLP 6184
- Full text
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] La travailleuse demande d’infirmer la décision rendue par la CSST le 28 octobre 2010. Elle demande que la Commission des lésions professionnelles déclare d’une part qu’elle n’était pas capable d’exercer son emploi à partir du 8 mars 2010, et d’autre part, qu’elle a subi une rechute, récidive ou aggravation en date du 9 mai 2010.
LES FAITS
[6] La travailleuse occupe un emploi de journalière auprès d’une entreprise agricole quand, le 1er février 2010, en poussant des pommes sur un convoyeur, elle se coince la main.
[7] Une lésion professionnelle lui est reconnue par la CSST, dont les diagnostics sont une lacération avec fracture du cinquième doigt droit et une tendinite à l’épaule droite.
[8] Le 27 février 2010, la travailleuse consulte un médecin, le docteur Perreault, qui complète une attestation médicale pour une tendinite de l’épaule droite. Il prescrit un arrêt de travail jusqu’au 7 mars 2010 inclusivement avec une date de consolidation prévue le 8 mars 2010.
[9] Le 8 mars 2010 la travailleuse retourne à son travail habituel.
[10] Le 16 mars 2010 la travailleuse est congédiée et cesse de travailler.
[11] Le 8 avril 2010, la travailleuse consulte un médecin, à la Clinique des médecins d’urgence de Sherbrooke, qui complète des notes cliniques et rapporte des douleurs, sans mention d’arrêt de travail. Le médecin mentionne que la blessure au doigt est réparée et que la travailleuse présente des douleurs aux niveaux cervical, dorsal, cervicobrachial et lombaire de façon multi-étagée. Le médecin constate des réflexes ostéo-tendineux du membre supérieur droit normaux. Il prévoit une résonance magnétique et demande le bilan médical à la clinique précédemment consultée par la travailleuse.
[12] Le 23 avril 2010, la travailleuse consulte un médecin à la même clinique que le 8 avril 2010, qui complète des notes cliniques et rapporte des douleurs, sans mention d’arrêt de travail. Le médecin effectue un examen physique de l’épaule droite et conclut que les mouvements du membre supérieur droit et gauche sont complets. Il rapporte aussi que la force du membre supérieur est normale. Il prévoit une résonance magnétique cervicale.
[13] Le 10 mai 2010, la travailleuse consulte un médecin qui complète un rapport médical et pose un diagnostic de tendinite de l’épaule droite, prévoit un arrêt de travail et prescrit des traitements de physiothérapie.
[14] Le 2 juillet 2010, la CSST rend une décision acceptant la réclamation de la travailleuse pour un accident du travail survenu le 1er février 2010, lui ayant causé une lacération et fracture du cinquième doigt droit et une tendinite à l’épaule droite.
(...)
[25] Le 2 février 2010, la travailleuse affirme avoir dit à monsieur Caron, de chez l’employeur, qu’elle ne pouvait pas travailler à cause de la douleur. Ce dernier lui a dit de travailler avec l’autre main. Elle témoigne avoir été obligée de travailler à cause des cris et de l’intimidation. Elle a travaillé avec la main gauche seulement.
[26] La travailleuse dit aussi qu’elle avait peur d’être renvoyée dans son pays, elle ne parlait pas français. Monsieur Caron lui avait interdit de parler avec les québécois qui travaillaient avec elle.
[27] La travailleuse affirme aussi que le consul du Guatemala était d’accord avec monsieur Caron. Le Consul s’était présenté dans les bureaux de monsieur Caron et tous deux s’étaient mis d’accord qu’elle pouvait travailler.
[28] Le 27 février 2010, la travailleuse a pu se présenter toute seule à l’hôpital, elle en a profité pour partir avec une autre employée qui allait faire des courses. Elle a rencontré un médecin qui parlait espagnol et lui a donné « un papier CSST », de même qu’un papier « arrêt de travail » et un « papier pour des médicaments ». Ce médecin lui a aussi dit que si elle continuait à travailler, elle serait paralysée au niveau du cou.
[29] La travailleuse mentionne que quand elle a montré ces documents à monsieur Caron, ce dernier a donné un gros coup sur le bureau, lui disant qu’elle devait quand même travailler.
[30] La travailleuse affirme qu’elle ne voulait pas travailler, elle voulait respecter les ordres du médecin.
[31] Elle dit avoir parlé de nouveau au Consul du Guatemala, qui lui a dit qu’elle devait continuer à travailler.
[32] Dans les faits, la travailleuse a arrêté de travailler du 27 février 2010 au 7 mars inclusivement, tel qu’indiqué sur l’attestation médicale du docteur Perreault, datée du 27 février 2010.
[33] Invitée à préciser si elle avait été payée durant son arrêt de travail, elle affirme que monsieur Caron lui a payé la semaine.
[34] En date du 8 mars 2010, elle dit que c’est monsieur Caron qui l’a emmenée à l’usine et l’a obligée à travailler.
[35] Elle n’était pas capable de travailler à cette date, et n’est pas d’accord que sa lésion était consolidée en date du 8 mars 2010.
[36] La travailleuse témoigne aussi que le docteur Perreault, en date du 27 février 2010, lui a dit que si elle n’était pas capable de travailler, elle devait retourner à l’hôpital ou voir un autre médecin.
[37] Éventuellement, sa blessure s’est infectée car les pommes n’étaient pas complètement propres et elle ne pouvait pas porter de gants. L’employeur n’a pas voulu l’emmener à l’hôpital, elle a donc dû stériliser des aiguilles et tenter de se soigner avec cela.
[38] Elle affirme aussi que monsieur Caron, en date du 3 février 2010, lui a demandé d’enlever son plâtre, elle n’a pas voulu, le plâtre lui a alors été enlevé de force.
[39] Elle a travaillé du 8 mars 2010 au 16 mars 2010 car, dit-elle, « je n’avais pas le choix ».
[40] La travailleuse fait mention d’un conflit entre elle et monsieur Caron car ce dernier ne paie pas les heures supplémentaires et elle s’est plainte de cela auprès de lui. Elle ajoute que « même les femmes québécoises ont peur de lui ».
[41] Elle affirme aussi entendre pour la première fois, lors de l’audience, que son accident du travail du 1er février 2010 était reconnu par la CSST. Interrogée à savoir comment cela se faisait, étant donné le nombre de représentants et d’avocats qui l’avaient représentée dans son dossier, la travailleuse répond que personne ne l’avait informée de cela, et ajoute « on ne me dit rien ».
[42] Quant à la rechute, récidive ou aggravation alléguée, la travailleuse dit que sa condition empire et que l’examen de résonance magnétique de 2013, ainsi que les explications de son médecin, lui ont fait comprendre que « les disques de sa colonne se séparent et commencent à faire des hernies » et les problèmes plus sérieux ont commencé à partir de cela. Elle éprouve maintenant de la difficulté à marcher.
[43] Invitée à dire ce qui avait changé entre février 2010 et mai 2010, la travailleuse dit qu’elle a eu des problèmes dans le dos et dans l’épaule, « au milieu des omoplates c’est comme si cela se déchirait », elle sent de la pression. Sa jambe droite est sans force. Parfois, elle n’est pas capable de descendre les escaliers. Elle a du mal à respirer.
(...)
[62] Pour déterminer si un lien de causalité existe entre la lésion initiale et la condition ultérieure, il y a lieu de considérer les facteurs suivants, bien qu’aucun ne soit décisif en lui-même :
-la gravité de la lésion initiale;
-l’histoire naturelle de la lésion;
-la continuité de la symptomatologie;
-l’existence ou non d’un suivi médical;
-le retour au travail, avec ou sans limitations fonctionnelles;
-la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique; -la présence ou l’absence de conditions personnelles;
-la compatibilité entre la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale; 3
-le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale.[63] Il faut donc que le travailleur prouve, au moyen d’une preuve prépondérante, qu’il a eu une modification de son état de santé par rapport à la situation qui prévalait au moment de la consolidation de la lésion professionnelle ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre cette modification et la lésion professionnelle.
[64] Les diagnostics de la lésion professionnelle initiale étaient une lacération et fracture du cinquième doigt droit et une tendinite à l’épaule droite.
[65] Le diagnostic de la rechute, récidive ou aggravation est une tendinite à l’épaule droite, qui serait survenue trois mois après la lésion et deux mois après la date de consolidation.
[66] Il n’y a aucune preuve médicale d’une modification de l’état de santé. Tant les notes des médecins des 8 et 23 avril 2010, de même que la note de la médecin de la CSST témoignent d’examens à l’épaule droite qui sont normaux.
[67] La travailleuse dit qu’elle avait mal même dans la jambe, dans le milieu du dos. Or il s’agit de sites différents de la lésion initiale et aucune preuve n’a été faite que ces nouvelles douleurs seraient dues à la lésion initiale.
[68] Devant l’absence de preuve prépondérante militant en faveur d’une rechute, récidive ou aggravation survenue le 9 mai 2010, le tribunal n’a d’autre choix que de rejeter la requête de la travailleuse.
[69] En terminant, le tribunal désire préciser qu’il est très surpris que ce ne soit que lors de l’audience que la travailleuse apprenne que la CSST a accepté sa réclamation. Cette dernière a quand même eu plusieurs représentants au fil des années. La travailleuse affirme avoir revendiqué le paiement d’heures supplémentaires à monsieur Caron, mais du même souffle ne jamais avoir été au courant que sa réclamation pour un accident du travail survenu le 1er février 2010 avait été acceptée.
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- Economic sectors
Agriculture and horticulture workers and General farm workers
- Content types
Documented cases of abuse and Systemic/state violation of right/freedom
- Target groups
(Im)migrants workers, Researchers, and NGOs/community groups/solidarity networks
- Geographical focuses
Quebec and Guatemala
- Spheres of activity
Agriculture
- Languages
French