Le trafic des femmes au Canada : une analyse critique du cadre juridique de l’embauche d’aides familiales immigrantes résidantes et de la pratique des promises par correspondance
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- Date
2000
- Authors
Marie-Claire Belleau and Louise Langevin
- Abstract
Dans une perspective féministe et intersectionnelle, le présent rapport analyse le cadre juridique de deux formes de trafic des femmes au Canada, soit l’embauche d’aides familiales immigrantes résidantes, sous l’égide du Programme concernant les aides familiaux résidants (PAFR), et la pratique des promises par correspondance. Il aborde les législations fédérales et provinciales, tant de droit civil que de common law, ainsi que la jurisprudence et la doctrine. L’analyse de la situation des aides familiales immigrantes résidantes porte un regard critique sur le programme fédéral et sur les législations en droit du travail qui touchent ces travailleuses. L’étude de la pratique des promises par correspondance esquisse d’abord le portrait de ce phénomène pour ensuite examiner son encadrement juridique par l’étude des règles contractuelles, du droit de l’immigration, et du droit en matière de mariage et en cas d’échec du mariage. Elle aborde également les questions de la violence conjugale, du proxénétisme, et des agences de rencontre. Nous proposons des réformes en droit de l’immigration, en droit du travail et en législation sociale afin de respecter les droits fondamentaux de ces femmes. Nous recommandons aussi des mesures sur le plan international pour enrayer l’exploitation qui découle des deux formes de trafic étudiées.
- Series title
Études en matière de politiques de Condition féminine Canada
- Number of pages
235
- Responsible institution
Fonds de recherche en matière de politiques de Condition féminine Canada
- Place published
Ottawa
- Full text
RÉSUMÉ
Nous analysons le cadre juridique de deux manifestations du trafic des femmes, soit l’embauche d’aides familiales immigrantes résidantes et la pratique des promises par correspondance. Nous définissons le trafic des femmes comme l’exploitation d’une femme, notamment de son travail rémunéré ou non, ou de ses services, avec ou sans son consentement, par une personne ou par un groupe de personnes, dans un rapport de force inégalitaire. Le trafic des femmes, qui se manifeste par l’enlèvement, l’usage de la force, la fraude, la tromperie ou la violence, entraîne des mouvements transfrontaliers de personnes entre pays divisés par une inégalité économique. Ce trafic conduit, entre autres, à l’immigration légale ou illégale de femmes au Canada et porte atteinte aux droits fondamentaux de celles-ci. Malgré l’apparente neutralité du droit qui régit ces situations, nous optons pour un cadre théorique féministe, puisque notre recherche s’intéresse au sort des femmes qui font l’objet de ces types de trafic. De plus, nous adoptons une approche intersectionnelle qui tient compte de l’interrelation entre les identités ethniques, religieuses et culturelles des femmes qui subissent ces formes d’exploitation.
Dans le premier chapitre, nous analysons le cadre juridique de l’embauche d’aides familiales immigrantes résidantes, sous l’égide du Programme concernant les aides familiaux résidants. Ce phénomène touche des questions en droit de l’immigration, en droit social et du travail, en droits fondamentaux et en droit des contrats. Le rapport d’inégalité entre l’aide familiale immigrante et ses employeurs, l’obligation de résider chez eux pendant une période de deux ans, ainsi que la précarité du statut de la travailleuse pendant cette période conduisent, entre autres, à des situations d’abus. Aussi, nous proposons l’abolition de ce programme parce qu’il permet l’exploitation de travailleuses immigrantes. Cependant, afin de permettre à ces travailleuses d’immigrer au Canada et de contrer la pénurie d’aides familiales résidantes qui y sévit, nous suggérons de modifier les critères d’immigration de la catégorie des indépendants. Nous proposons que la Loi sur l’immigration prévoie la fonction d’aide familiale résidante parmi les professions en demande au Canada et qu’elle tienne plus en compte l’expérience de ces travailleuses.
Par ailleurs, si l’abolition du programme n’était pas retenue, nous proposons son amélioration par l’octroi de la résidence permanente à ces femmes dès leur arrivée au Canada, par la réduction de la période de travail à 12 mois et par la levée de l’obligation de résidence chez l’employeur. Nous recommandons aussi la réglementation des agences de recrutement d’aides familiales résidantes. Enfin, nous suggérons l’établissement d’un financement accru et régulier des organisations qui assistent ces femmes, une meilleure information destinée à celles-ci, une aide financière aux parents et un programme national de service de garderie.
En droit du travail, nous jugeons injustifiée l’exclusion des aides familiales résidantes de certaines mesures prévues par les lois du travail et de protection sociale. Par conséquent, nous proposons qu’elles bénéficient des mêmes avantages que les autres travailleurs canadiens.
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Enfin, les contrats imposés par les différents échelons de gouvernement restent lettre morte en raison, entre autres, de la position d’inégalité et de précarité des aides familiales immigrantes résidantes. Aussi, nous recommandons la diffusion d’information auprès des travailleuses au sujet de leurs droits et la mise sur pied d’un registre d’employeurs.
Le second chapitre porte sur la pratique des promises par correspondance (PPC). Par les services d’agences de PPC, qui travaillent principalement à partir du cyberespace, des maris- consommateurs rencontrent des femmes, qui deviendront leur fiancée et, éventuellement, leur épouse. De ces rencontres naissent des relations conjugales souvent marquées par des liens de subordination qui maintiennent les promises sous le joug de leur mari-consommateur et qui engendrent parfois des situations de violence conjugale. De plus, de multiples formes d’inégalités interagissent pour placer les promises dans la situation inférieure de dichotomies hiérarchiques économiques, sexuelles, ethniques et culturelles.
Comme aucune loi ne porte spécifiquement sur l’industrie des promises par correspondance, nous analysons les multiples règles de droit qui régissent ce phénomène : le droit des contrats, de l’immigration, du mariage, de l’échec du lien matrimonial, le droit international privé et le droit criminel. Nous concluons que les recours contractuels s’avèrent peu fructueux pour la promise. Cependant, le droit de l’immigration offre à la promise-conjointe certaines protections juridiques d’intérêt. En effet, la promise qui entre au Canada, munie d’un visa de conjointe, bénéficie du statut de résidente permanente, ainsi que de la sécurité financière découlant de l’engagement de parrainage pris par le mari-consommateur. Par contre, la promise-fiancée reste soumise à des conditions qui la rendent vulnérable aux maris- consommateurs abusifs. En conséquence, nous proposons l’abolition de la condition du mariage pour l’obtention du visa de fiancée. Nous recommandons aussi l’interdiction du parrainage en série et la hausse de l’âge minimum de la conjointe admise au Canada.
L’existence d’un mariage valide, qu’il ait lieu au pays de la promise ou au Canada, constitue une condition nécessaire au regard des critères d’admission comme immigrante au Canada. Aussi nous analysons les aspects techniques de la validité de ces mariages. De plus, nous proposons le rétablissement de l’ancien recours en bris de promesse de mariage. Enfin, la rupture du lien matrimonial n’affecte pas le statut de résidente permanente de la promise, ni l’engagement de parrainage du mari-consommateur, qui demeure responsable financièrement de son ex-conjointe.
Nous soulignons aussi les liens de parenté entre le phénomène des promises par correspondance et l’activité criminelle, telle la violence conjugale et le proxénétisme. Nous suggérons des mesures qui visent à encourager les promises à poursuivre les maris- consommateurs irresponsables, abusifs et criminels. Finalement, nous recommandons la réglementation des agences de PPC.- File Attachments
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